Comme chaque année, un p'tit pèlerinage vers un de ses coins certainement les plus paumés de France.
Les magazines titraient il n'y a pas encore si longtemps: "Allier, dernière rivière sauvage d'Europe" qui tend à devenir aujourd'hui parc naturel.
Le décor est toujours aussi époustouflant, avec son air de "Montana". Mais de "Montana" l'Allier n'a plus que l'air, car coté poisson c'est la désolation totale.
Pas le début du commencement d'un soupçon de caudale, et c'est pas la première fois. Même les tacons ont déserté le coin. Je piquerai en tout et pour tout un spirlin gros comme le pouce en 3 heures de pêche.
Bienvenu à "Capoland" !
En arpentant à vue des hectares de plat je n'ai pas aperçu un seul salmonidés, même pas une riquette qui détale sur une bordure et quand je dis "à vue", c'est façon de parler, faut voir la couleur de l'eau qui charrie en permanence des micro algues. Dans 50cm on ne voit plus ses pieds tant l'eau est chargée et les fonds sont archi colmatés. Quand à sa température, si vous rentrez en short jusqu'à la ceinture vous vous en apercevrez même pas.
Comment expliquer cette inexorable dégradation quand on sait ce qu'était cette rivière il y une trentaine d'années. Une destination de rève pour les pécheurs de tout poil qui faisait la une des émissions halieutiques, qui faisait rêver les pécheurs d'ombre, qui était la cour d'entrainement de l'équipe de France de PALM, où Astier, Terrier, Boyko venaient planter leur camping car pour peaufiner leur technique ? Un jour d'ouverture de l'ombre, il n'y avait plus une place pour se garer d'Alleyras jusqu'à Luc.
La sur-pêche ? Impossible ! les accès sur plus de trente kilomètres se comptent sur les doigts d'une main.
Naussac ? Certainement que le barrage est en grande partie responsable.
Il est certain que l'on prend de l'eau pure et propre à la rivière en amont pour lui rendre de la m.... en aval. La retenue est devenue maintenant une vraie 3ème catégorie où pullulent brochets, carpes, tanches, perches à 900m d'altitude. 1100 hectares de plan d'eau qui déverse chaque été son jus de cuisson dans les gorges, c'est pas fait pour arranger les choses.
Mais alors, pourquoi l'amont du barrage est aussi impacté ? (dans une moindre mesure certes) Pourquoi, plus loin en aval vers Langeac, les populations d'ombre retrouvent un seuil respectable...l'auto-épuration me direz-vous ? Wouai, bof !
Bref, jugez par vous même le paradoxe de cette rivière.
le p'tit air de "Montana"
C'est pas le tout mais faut y descendre !
Un des rares accès vers les gorges. Ce chemin abrupte de 2km, perdu au milieu de la forêt, cramé par un soleil de plomb...vaut mieux le faire en bagnole ! (...à mon age
) Toutefois le risque en voiture, c'est que le chemin se soit trop dégradé pour passer et être obligé de faire demi-tour.
problème: On ne peut pas faire demi-tour une fois engagé. Les ruissellements successif de ce printemps n'ont pas arrangé le chemin qui est en train de se fermer aussi....qu'a cela ne tienne, c'est pas ça qui va rebuter mon bon vieux Mitsu.
Comme à son habitude il me mènera sans encombre jusque "les pieds dans l'eau".
Une telle rivière dans tel décor...quel gachi !
Là, plus rien de "Montana". Je dirai presque "heureusement" que quelques coins nous ramènent à la dure réalité sinon on se croirai presque sur une rivière vivante...
Une ancienne cabane de pécheur, de la belle époque du saumon certainement, nichée au fin fond des gorges. Il y a belle lurette que les saumoniers n'y mettent plus les pieds.
La même photo prise il y a 7 ans.
Imaginez le petit paradis que ce devait être à la belle époque.
Je ne tire pas le signal d'alarme, je crois qu'il est trop tard, l'Allier a déjà crevé en silence. Il n'y a pas eu de manifestation sur un pont, pas de truites le ventre en l'air, pas d'ombres agonisants couverts de mousse, pour émouvoir caméras et journaux...tout ça se passe loin, très loin, dans des gorges perdues.
Dormez tranquilles belles gorges, les dépliants illustrés de canoës et de rafts, les superbes photos de saumons franchissant les passes de Vichy, les mega-solmonicultures, les millions de tacons déversés et les commentaires enjoués de l'hôtesse du petit train touristiques ont largement de quoi alimenter encore pour longtemps les bonnes consciences locales.